
Bienvenue à Montréal ! Notre récit de voyage 3ème partie
En 2021, mon époux et moi-même nous embarquons nos deux enfants, notre chienne et notre chat pour une nouvelle tranche de vie à Québec. J’ai entamé le récit de notre voyage. En voici la 3ème partie.
Le bus s’arrête enfin à sa destination : notre gros avion. Là encore je guette la réaction des enfants face à ce mastodonte. Enjoués, vifs et prompts à monter l’escalier qui nous mène à bord. J’ai l’impression qu’ils sont dans le même état que lorsqu’ils montent dans le bus pour une sortie scolaire : enjoués, vifs , prompts à monter. Je veux pas faire le rabat-joie mais elle nous coûte 3000€ la sortie scolaire, vous pourriez avoir l’air un peu plus impressionnés non? Moi je le suis. Toujours la même phrase qui revient “ mais bordel qu’est-ce que je fous là?” suivi d’un constat, ma foi, tout simple : j’y suis arrivée.
Quand on remonte dans le temps, le 20 janvier, soit presque 3 mois auparavant, nous, sur le seuil de notre maison quevenoise, les pieds dans l’eau d’avoir dit au revoir au papa, qui prenait les devants pour installer notre vie de là-bas. A ce moment-là, nous ignorons la date de nos retrouvailles. Alors on le laisse s’envoler le papa, le bojolimocko, le cœur serré, dans un brouhaha de pleurs à faire rougir Hollywood. Je ne réalise pas encore l’ampleur de la tâche qui m’incombe à ce moment-là, mais cela me vient comme un flash “ il ne va pas revenir, c’est nous qui allons le rejoindre”. Après. Après avoir vidé la maison, organisé le déménagement, migré chez mes parents, envoyé les animaux, vendu la voiture, signé la vente, …. J’en passe. (Et pis en plus, je sens d’ici l’agacement du bojolimocko “ moi aussi j’avais du boulot là bas et aussi j’en ai fait des allers-retours à la déchet’ et…” Sauf que là c’est moi qui écrit, donc je dis ce que je veux, et même que j’insiste, ouh, j’insiste sur le dur labeur, sur la femme esseulée, face à elle-même devant gérer l’immensité des préparatifs. Voilà. Ça fait du bien.
On y est donc. Devant cet avion qui nous amène jusqu’à notre pilier barbu. On a réussi. Je prends encore quelques photos des petits devant l’avion. Eléonore paraît toute petite. Je me retourne vers le sol pour faire un genre d’au revoir, terriblement romantique et chargé d’émotion. Sauf que, l’émotion n’est plus là. Je le sens, nous sommes déjà partis.
Le personnel accueille les enfants avec beaucoup de plaisir. Et ce sera une constante. La présence des enfants rend chaque étape plus joyeuse. Tout le monde est aux petits soins. Nous trouvons nos places et franchement je suis ébahie par la modernité de l’avion. Chaque siège est équipé d’une télé. Oui j’en ai déjà vu. Mais là franchement elles sont au top. En tout cas, elles conviennent parfaitement aux petits qui touchent à tout, découvrent qu’on a accès à des caméras fixées sur l’avion, etc… Le décollage est imminent. L’avion est loin d’être plein. Et il est surtout rempli de jeunes familles, de jeunes étudiants. Je ne vois quasiment aucun senior. Quel bonheur cette pandémie. Oui c’est odieux. Je sais. On sent que le voyage de chacun est un peu particulier, bien loin d’un séjour à l’étranger pour les vacances.
On boucle nos ceintures, on ramasse la tablette, on sort les doudous pour se rassurer. Et on se laisse aller à la vibration des moteurs, écrasés sur nos sièges par la puissance, les oreilles assourdies par le bruit. L’avion roule sur encore quelques mètres et enfin, on sent le sol s’éloigner sous nos pas, la terre s’éloigner sous nos yeux. On a quitté la France.
Un vol sous haute surveillance
La magie des nouvelles technologies fait que le wi-fi reste accessible en vol. Une belle occasion de tenir au courant la famille et les amis. Le papa scrute son ordinateur et me tient au courant “ Vous passez au-dessus du Havre, vous avez passé l’Irlande, vous avez fait la moitié !”. Il nous suivra jusqu’à l’atterrissage, rongeant son frein de ne venir nous récupérer que dans 3 jours, isolement à l’hôtel oblige.
Pendant le vol, j’ai vérifié et je peux l’affirmer : les enfants n’ont pas dormi une seule minute. Captivés par les films, les dessins animés. Ils simulent vaguement un demi-sommeil avec le casque sur les oreilles, en position du lotus quand je leur dis de dormir un peu. Pour moi, il me faudra quelques heures pour me poser. Je ressens un léger vertige, un soulagement aussi d’être en route. Je sonde mes pensées pour y déceler un regret, une amertume, … Rien. Soit. Je me colle tranquille devant deux films et savoure le fait de n’avoir rien à faire avant le grand rush de l’arrivée.
Le temps passe vite au final. Les repas “patoupoulet?” sont servis. Un hic, il manque un repas pour un des deux enfants. L’hôtesse trouve ce qu’il faut et me gratifie “ Vous aurez une compensation pour le vol retour”. Ah bien alors c’est pas pour tout de suite du coup. Notre atterrissage approche et la pression monte pour ma part. Arrive le moment fatidique du passage à l’immigration, va-t-on avoir tous les papiers ? Sur le site de l’IRCC, l’immigration canadienne, il est bien précisé que la décision de l’entrée sur le territoire revient à l’agent des douanes à notre présentation au guichet. Ou comment ménager un suspense de fou jusqu’au bout. Je briefe les enfants pour qu’ils se tiennent sages, tranquilles. J’essaye de ne pas leur transmettre mon stress. Notre avion se pose sur le sol canadien. (Han ça en jette, écrit comme ça). On récupère nos sacs cabines, on ferme nos manteaux et zou on sort pour respirer l’air d’icitte.
Là encore, les couloirs sont assez vides. On se retrouve tous les trois à marcher vers les douanes. Je me répète mentalement les choses à ne pas oublier. Un peu perdue, je me rapproche d’un agent canadien, il sera mon premier contact, celui qui donnera le la pour tout le reste de notre vie ici (Drama queen un jour,….). “ Allo les enfants ! La douane c’est par là ! Bienvenue à Montréal!”. Bon, tout va bien aller.
Avant de passer les douanes, il me faut remplir un formulaire sur une borne. Avec l’instruction du déménageur de bien cliquer sur oui au moment où il le faudra. Je me plante devant une borne, je sors ma bible de papiers, je demande aux enfants de se figer. Maman joue notre vie. Mon doigt tremble, je coche non non non non jusqu’à “Avez-vous des meubles qui arrivent en séparé” : OUIIIIIIIII. J’ai cliqué ouiiiiii !!!!! Youhouhouh ! Une première victoire. J’aime célébrer. Je récupère mon reçu et nous nous rapprochons de la file d’attente. Je n’ai même pas le temps de me repérer qu’un agent m’indique une file d’attente vide qu’il ouvre pour moi et surtout pour les enfants. Tout va très bien aller.
On nous appelle dans la minute, le douanier récupère mon reçu et autres/
– Alors vous venez travailler au Canada ?”
– Oui
– Vous avez coché la mauvaise cas
– Ah … je suis désolée je savais pas trop …
– Pas de trouble, je corrige et vous pouvez aller au bureau Imigration 1.
Une première étape de franchie rapidement. David me racontera avoir attendu 45 minutes, lui avant de voir le douanier. Hé hé hé, fallait pas partir sans nous (ouh c’est petit ça).
Là encore, on est accueilli chaleureusement dès notre entrée dans le bureau, “Bienvenue à Montréal la famille ! Allez vous présenter à un agent d’immigration”. Une jeune femme nous appelle et nous demande les papiers. Bonne élève, bien informée par les nombreux français déjà expatriés, j’ai préparé un classeur avec tous les documents étiquetés. Elle nous invite à patienter le temps qu’elle étudie notre dossier. A ce moment-là il est 18h à Montréal, soit minuit pour nos corps levés depuis 5h du matin. La journée s’étire mais les enfants restent posés et calmes. Ça commence quand même à faire long.
D’autant qu’elle ne nous appelle toujours pas, je suis avachie sur le siège, mon sac de rando pèse une tonne à mes pieds, un enfant de chaque côté qui s’appuie sur moi. Je me fais penser à Tom Hanks dans “ Le Terminal”. Je m’imagine passer la nuit avec les enfants à attendre d’embarquer pour le vol retour. Je prends une photo pour le souvenir, genre “ ça c’était avant qu’ils nous refusent l’entrée”. J’aime l’humour. Je suis sortie de ma rêverie par d’énergiques coups de tampon, j’écris à David “ ça tamponne” “ c’est bon signe” me répond-il, fébrile spectateur de notre périple. Et en effet, j’entends “ Angélique DUBOIS s’il vous plait”. Et oui, ici on me désignera par mon nom de jeune fille, le nom inscrit en 1er sur mon passeport. Je me lève “ C’est bon voici votre permis de travail ouvert et les fiches visiteurs pour vos enfants, Bienvenue à Montréal”. Tout va très très bien aller.
« T’es correc’ ? «
Il nous faut encore récupérer nos valises, qui nous attendent près du tapis et nous présenter au bureau pour passer un test PCR chacun. Ah ben oui, j’avais dit que c’était long. J’ai encore du mal à réaliser qu’on est passé, parce que là j’avoue, j’en ai plein l’ognon – chic la réforme de l’orthographe. Les enfants aussi. Eléonore traîne sa valise, je prends de l’avance pour me repérer. J’entends un bruit sourd. Éléonore vient de tomber sur sa valise. Une agent de sécurité s’approche et lui demande “ T’es correc?”. Je traduis à Eléonore “ Elle te demande si ça va “. Une expression qu’on va vite adopter et qui restera notre premier apprentissage. On file tout droit aux bornes pour les tests PCR.
L’inscription en triple, malgré le rendez-vous pris avant notre départ, dure un peu mais la jeune femme est accueillante et compréhensive. Alexandre me tire la manche “ On s’en va ?” Je m’agace mais je comprends vite qu’il est déphasé et fatigué. Aye on est invité à rejoindre l’infirmière pour faire le test. Là encore, l’accueil est chaleureux, la politesse pas feinte. On ne les sent pas blasés par leur travail. Arrivée à ce stade-là de la journée, j’apprécie sincèrement.
Les enfants passent en premier, même pas peur. Puis vient mon tour. Je sens que ça va merder. Je connais mes faiblesses. Ma grande sensibilité, que vous ne pouvez plus ignorer désormais, se traduit parfois de manière surprenante. Et là, c’est dans les narines que ça se passe. (Franchement je ne savais pas comment raconter ça sans que ça soit ragoutant). Bref, j’ai les narines sensibles et elles saignent rapidement. (Bon appétit bien sûr). Ça ne loupe pas. L’infirmière me dit “ Ouh j’ai bien peur qu’on risque que le test soit à refaire. On va l’envoyer et s’il n’est pas exploitable, on viendra le refaire à l’hôtel. Vous serez peut-être obligée de rester une nuit de plus tant que vous n’aurez pas un résultat négatif au test”.
“ Vite ! On n’a plus de pouls ! NFS chimi iono scan crâne radio du thorax on charge a 200 ”. J’en rajoute un peu, mais franchement, d’une, j’ai trop regardé “ Urgences” et de deux, j’en peux plus des trucs qui se rajoutent. Et le pire ? C’est qu’elle est SYMPA la nana. Je peux même pas râler, elle a l’air aussi désolée que moi. “ Bon ben on verra bien”.
Le temps de ressortir du box, un jeune homme me refourgue 3 boites d’auto-test à faire le 10ème jour de la 14 aine. Je me retrouve avec 3 valises, 2 enfants, 1 sac de rando, 3 boites de test, 1 classeur de papiers, 1 pochette avec les passeports. J’avance tant bien que mal. “Ça va Maman ?” s’inquiète Alexandre. Ça doit se voir que ça ne va pas. Je range mon fatras et je les encourage : ” Allez on y est presque, maintenant c’est taxi jusqu’à l’hôtel”. Un Koh Lanta grandeur nature.
On monte dans le premier taxi et je fais une prière pour que ma carte bancaire passe pour payer, sinon je laisserais un enfant en gage. Le trajet dure peu de temps, il pleut. Je suis éreintée. Les enfants eux, continuent sur leur lancée, joyeux, contents, les yeux grands ouverts. On se présente à l’accueil de l’hôtel. Et là honnêtement, la dame m’a dit un paquet de trucs, j’ai répondu “Oui” à tout. Parce que la fatigue, le masque, l’accent ont eu raison de ma bonne volonté. Elle le sent et me donne les clés de la chambre. “ Vous montez l’escalier et c’est la 256”. Je crois que je ne lui ai même pas répondu, je suis hagarde.
Il vaut d’ailleurs mieux que je garde mes forces pour affronter l’escalier avec les 3 valises. Je dis aux enfants de passer devant, pendant que j’en monte une. Je sens les larmes monter, les nerfs prêts à rompre. Par chance, le type de l’hôtel vient à mon secours et nous monte les deux plus grosses valises. Nous voilà à les pousser dans le couloir, car bien entendu la chambre est la dernière sur le palier. Je commence à renâcler “Mais punaise pourquoi mais pourquoi c’est la plus éloignée !”.
On arrive enfin devant la porte qui s’ouvre avec ce “maudit” système de carte que je n’ai jamais compris. Il me faut 3 essais avant de réussir à l’ouvrir. Je fourre tout dans la chambre, valises, sacs, gamins. Et là, ça craque. Je m’assois toute en manteau sur un lit et je pleure tout ce que je peux. Question célébration, on est plus sur du mouillé que du festif. Mais ça y est. On est au Canada et tout va bien aller.